Ring
Réalisé par Nakata Hideo
Avec : Nanako Matsushima, Miki Nakatani, Hiroyuki Sanada, Yuko Takeuchi
Durée : 1:36
Pays : Japon
Année : 1998
Ancré dans la société japonaise, le virus propagé par Ring semble s'être propagé bien au-delà de ses victimes, contaminant les spectateurs à travers le monde.
A la suite du décès de sa nièce dans des conditions mystérieuses, Reiko (Matsushima Nanako), une journaliste, décide d'enquêter sur une légende urbaine qui voudrait que l'on meure une semaine après avoir regardé une cassette vidéo supposée « maudite ».
Basé sur le roman de Koji Suzuki, Ring a engendré une sequel, une prequel, une série télé et un remake américain ; un succès populaire qui reflète la vitalité du cinéma asiatique d'horreur mais aussi sa suprématie sur un genre figé en plein marasme parodique. Lors des premières images, on découvre deux adolescentes seules dans une maison, puis on entend une sonnerie de téléphone. Cette référence à Scream est loin d'être fortuite puisqu'elle permet au réalisateur de clairement situer son film, en rupture avec les canons du cinéma d'horreur américain. Au lieu d'essayer de nous effrayer avec un énième tueur en série masqué et de grosses ficelles, Suzuki a choisi un objet banal présent dans chaque foyer et qui a déjà fait ses preuves chez Cronenberg : la télévision. Comme véhicule de la terreur il utilise une cassette vidéo qui propage une malédiction, où l'image officie comme un virus contaminant ses spectateurs. Le choix est judicieux puisque l'efficacité d'une peur « fabriquée » est souvent liée à notre capacité d'identification aux phobies présentées. Bien que la mythologie du film, l'influence maléfique d'une revenante sur l'image, soit peu crédible, l'omniprésence de la télévision dans nos vies canalise ainsi la crainte plus concrètement qu'un tueur (ou monstre) extraordinaire. En optant pour une réalisation suggestive plutôt que pour l'exploitation visuelle, Nakata Hideo renforce le potentiel angoissant du film.
La cassette vidéo est aussi porteuse d'une autre valeur symbolique, au-delà de la malédiction. Bien que le film démarre dans une civilisation urbaine, les racines du maléfice semblent se situer dans une société plus traditionnelle. L'opposition entre les vies moderne et traditionnelle est perceptible tout au long du film. A travers la cassette — symbole de modernisme lié à l'avancée technologique — et son pouvoir de contamination, Suzuki semble dénoncer la corruption de la société et des valeurs traditionnelles.
La réalisation est épurée, préférant envelopper le spectateur dans une atmosphère étrange que la musique de Kenji Kawai vient ponctuer de ses effets dissonants. Les images de la vidéo que l'on doit à Kiyoshi Kurosawa (Cure) sont intriguantes et le film avance en demi-teinte jusqu'au climax où l'horreur est enfin totalement embrassée. Si cette approche démontre aussi une volonté de rupture stylistique avec le cinéma américain, elle ne permet cependant pas de tirer totalement parti de l'originalité de l'histoire, de faire vibrer le récit. La cinématographique est plate — ce qui est d'autant plus décevant quand on connaît le perfectionnisme visuel du cinéma asiatique —, là où elle aurait pu renforcer l'angoisse en rendant l'atmosphère étouffante. La réalisation manque aussi d'intensité : sans pour autant avoir recours aux clichés éculés du genre, Hideo aurait gagné à « épicer » le récit afin d'aller en crescendo dans l'horreur jusqu'au climax. Si l'histoire intrigue sans aucun doute, le film semble hésiter à nous faire peur, tâtonnant quant à trouver le parfait dosage de suggestion, de subtilité et d'effroi. N'en déplaise aux aficionados, Ring officie comme une ébauche qui prend seulement toute son ampleur dans son remake américain.